"Coach Frank, elle est où la ligne entre être exigeant et intimidant?"
C'est la question qu'un coach m'a posé récemment. Un coach qui comprend qu'il faut faire attention aux détails si on veut gagner.
L'équilibre n'est pas toujours évident quand on coach au haut niveau.
Et lui de me dire : "Mais… je comprends que je dois soutenir mes athlètes aussi. Si je le fais trop, ça ne va pas compromettre nos chances de gagner parce que je suis trop gentil?"
Il n'est pas le seul à avoir ce doute. Plusieurs entraîneurs croient qu'ils doivent choisir entre "vouloir gagner" et "être gentil."
Ils n'ont pas tort. Des athlètes professionnels de rugby ont clairement indiqué que des rétroactions vagues ou ambiguës minent la crédibilité des entraîneurs (Taylor et al., 2022). Autrement dit, le coaching passe moins quand il est vague.
Performance OU bienveillance?
En fait, pour certains entraîneurs, c'est immanquable… si on coach dans le pro, on doit être tough sinon "tu ne gagneras pas".
Mais… est-ce que c'est vraiment le cas?
Oui. Les Serial Winning Coaches le disent : Si tu veux gagner, tu dois avoir des standards élevés (Lara-Bercial & Mallett, 2016). On ne peut pas y échapper.
Par contre, on oublie souvent l'envers de la médaille. Plus tu es exigeant, plus tu dois aider ton athlète (Fletcher & Sarkar, 2016). Le niveau de soutien que tu offres, c'est la différence entre créer un environnement gagnant et un environnement toxique.
Tu dois être demandant au même point que tu dois être aidant.
Autrement dit, il faut donner du Tough Love à nos athlètes…
Oui, du Tough Love… J'ai osé le dire… en 2025.
Dès qu'on mentionne cette expression, certaines personnes montent aux barricades.
Par contre, pensez-y …
Est-ce qu'on aurait un problème avec un père de famille qui demande des A+ à ses enfants mais qui s'assoit à chaque soir pour faire les devoirs avec eux?
Est-ce qu'on aurait un problème avec un professeur de piano qui exige 30 minutes de pratique quotidienne mais qui est prêt à prendre son samedi soir pour enregistrer une vidéo personnalisée de rétroactions lorsque l'apprenti a des difficultés?
Probablement pas… et c'est la même chose pour un coach.
Le fond du problème avec l'expression Tough Love, c'est que les personnes qui utilisent l'expression s'en servent généralement pour justifier du coaching abusif (Cronin, 2022).
Les deux piliers du Tough Love
Alors, qu'est-ce qu'il faut faire si on veut atteindre le Tough Love?
D'un côté, être demandant, c'est s'attendre à ce que les athlètes performent au meilleur de ce qui est attendu des athlètes de leur ligue. C'est tenir les athlètes imputables de leurs décisions ou de leurs comportements. En fait, autant les joueurs sélectionnés que les joueurs retranchés veulent un coaching demandant (Taylor et al., 2022). Les athlètes qui gagnent des médailles s'attendent à avoir du coaching demandant (Wilson & Kerr, 2022). C'est sans équivoque, les athlètes veulent et s’attendent à ce que le coaching soit demandant.
De l'autre côté, il faut être là pour soutenir les athlètes en priorisant le développement et l'épanouissement des joueurs avant son propre succès comme entraîneur. Certains scientifiques vont même jusqu'à dire que les entraîneurs qui trouvent le bon équilibre sont dévoués envers leurs athlètes. Ce sont des entraîneurs qui démontrent un désir de s'investir dans le développement à long-terme des athlètes (Taylor et al., 2022). Il s'agit de mettre les besoins des athlètes avant ceux de l'entraîneur (Taylor et al., 2022). Si vous êtes honnêtes avec vous-même, est-ce que vous priorisez les besoins de vos athlètes ou les vôtres?
La méthode laboratoire-évaluation
Une façon simple de prioriser les besoins de l'athlète est de distinguer clairement les périodes de pratiques qui sont des évaluations de celles qui sont des laboratoires. Pensez-y… en recherche, les laboratoires sont un espace pour expérimenter, essayer, tester des méthodes. Ça s'applique aux athlètes aussi… Donc, on pourrait spécifier aux athlètes que les drills du mardi sont des laboratoires : "Vous avez le droit d'essayer, de faire des erreurs. Je ne vous en tiendrai pas rigueur". On le dit sincèrement et on le fait. Ensuite, on aide les athlètes à apprendre
de ces erreurs. À la suite de ces périodes d'entraînement, on entre dans une période d'écoute lors desquelles on offre des rétroactions bidirectionnelles (c'est-à-dire qu'on écoute les athlètes et… après… on donne notre avis, pas l'inverse).
Par la suite, on définit clairement les périodes d'évaluation. "Ici, c'est le temps de jouer votre meilleur hockey. Je vais me baser sur ces périodes pour prendre des décisions relativement aux rôles de chacun dans l'équipe." Les attentes sont claires et les athlètes comprennent qu'ils doivent performer. Du même coup, on pratique les athlètes à vivre des moments de pression réels lors desquels il y a un enjeu.
Ces principes proviennent de données scientifiques qui ont été établies par des études auprès de 17 entraîneurs qui ont gagné plusieurs médailles olympiques, des commentaires de 13 athlètes olympiques et paralympiques, de 11 entraineurs olympiques et paralympiques, et de dizaines d'athlètes en rugby professionnel (Lara-Bercial & Mallet, 2016; Taylor et al., 2022; Willson & Kerr, 2022). À ce niveau, tout le monde comprend que les exigences font partie du sport d'élite. Approcher le sport d'élite avec une approche positive ça peut fonctionner, comme un athlète l’a bien dit : "J'ai une médaille qui prouve que ça marche" (Willson & Kerr, 2022).
Votre Premier Plan
Action 1: Définir des périodes de laboratoire (exploration sans évaluation) et des périodes d’ évaluation (performance sur demande)
Action 2: Éviter les rétroactions vagues et contradictoires comme celle-ci : "Écoute Mathieu, tu as vraiment bien joué cette saison, on est super contents de ton effort. Par contre, on va aller dans une autre direction pour les séries. Mais continue comme ça, tu es vraiment bon!"
Action 3: Offrir rétroactions bidirectionnelles, soit demander l’avis à l’athlète et ensuite discuter de votre perspective comparer à la sienne.
Références
Cronin, C. (2022). Caring Coaching Examining the Notion of ‘cruel to be kind’and Other Caring Myths. Myths of Sport Coaching; Whitehead, A., Coe, J., Eds.
Taylor, J., Ashford, M., & Collins, D. (2022). Tough Love—Impactful, Caring Coaching in Psychologically Unsafe Environments. Sports, 10(6), 83. https://doi.org/10.3390/sports10060083
Willson, E., & Kerr, G. (2025). Achieving international podium success with a positive sport experience. International Journal of Sport and Exercise Psychology, 1-20. https://doi.org/10.1080/1612197X.2025.2510252
Mallett, C., & Lara-Bercial, S. (2023). Caring Determination–Serial Winning Coaches as Leaders.
Lara-Bercial, S., & Mallett, C. J. (2016). Practices & Developmental Pathways of Serial Winning Coaches. International Sport Coaching Journal, 3(3), 221-239.
Fletcher, D. & Sarkar, M. (2016). Mental fortitude training: An evidence-based approach to developing psychological resilience for sustained success. Journal of Sport Psychology in Action, 7, 135-157.

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